Diptyque (Naître au rien suivi d’Izieu)
Création 2024
Diptyque (Naitre au rien suivi d'Izieu) tire son nom de deux recueils de poèmes que j’ai écrits ces dernières années : Naitre au rien et Izieu. J’ai eu l’occasion de jouer Naitre au rien il y a deux ans, en avril 2022. Je reprends pour ce diptyque une partie de ce spectacle que j'augmente d'un travail inspiré du drame des enfants de la maison d’Izieu.
Chaque partie de ce spectacle est composée de poèmes et de courtes danses.
J’ai tenté d’exprimer dans les poèmes de Naitre au rien et Izieu un lien d’intrication entre une vie que l’on pourrait qualifier de joyeuse et des moments tragiques, qu’ils soient personnels ou historiques. Mes poèmes sont habités de ces allers-retours et de cette réalité qui unit nos moments d’allégresse et la survenue du drame.
Si j’ai travaillé, en 2022, la chorégraphie de Naitre au rien à partir des sensations que me procuraient les sonorités des poèmes, j’ai choisi pour Diptyque de travailler trois courtes chorégraphies d’Isadora Duncan.
Diptyque (Naitre au rien suivi d'Izieu) a été créé en avril 2024.
Programme de salle :
Note d’intention
La scène est un espace vide, propice à toute habitation. Habitation poétique, avec des poèmes que j’ai écrits publiés en avril aux Éditions La rumeur libre, ou corporelle, avec des danses. Deux parties : Naitre au rien et Izieu. Des moments : moments de prise de parole ou moments de danse. La lumière bleutée de la première partie plonge le spectateur dans cette douceur qui sied aux poèmes de Naitre au rien. Après avoir incarné les poèmes de cette première partie je danse « Narcisse », d’Isadora Duncan. Je cherche alors plus à représenter un corps qui se découvre plutôt que le désir égoïste de la contemplation de soi. La deuxième partie comporte, elle aussi, deux endroits : l’endroit de la poésie et les endroits de la danse. Chaque endroit est distinct et chaque endroit se répond. Les poèmes d’Izieu reprennent les thématiques de la joie et de la tragédie qui se nourrissent l’une l’autre. La lumière est plus solaire, donnant à cette partie la luminosité nécessaire pour suggérer l’innommable. Deux chorégraphies s’entremêlent aux textes poétiques dans cette partie : « La mère » et « Water Study », d’Isadora Duncan. Le drame de « La mère » fait écho à l’insouciance de « Water Study », belle évocation de mouvements aquatiques. Tout fait sens dans cette traversée d’une petite heure en solo : l’allégresse propre à toute vie rencontre les tragédies personnelles ou historiques. Les « rien » qui accompagnent le quotidien avec tendresse dessinent une carte intime de résistance au désastre qui surgit parfois.
Résister au réel par la poésie
Diptyque (Naitre au rien suivi d'Izieu) est une tentative de saisissement de la joie qui irrigue nos quotidiens et du tragique qui vient bouleverser le réel. La vie laisse place à la mort dans les événements les plus sombres de nos vies et de l'histoire. Elle affleure à chaque instant, teintant de sa fatalité nos moments d'allégresse. Nous vivons la légère connaissance du monde tout autant que le fatum implacable. Le doux quotidien se laisse traverser le temps d'une tendresse profonde ou d'une percée irrésistible de notre finitude. Nos joies portent nos silences. Elles n'en sont pas moins réelles, pleines, épaisses. Mais elles se laissent soupçonner, elles se construisent à l'insouciance tout autant qu'aux sombres récits. Parfois pures, elles sont le tempo qui sera marqué de la fin absolue.
J'ai cherché par mes poèmes à exprimer ces « rien » qui structurent notre vie, ces joies, ces allégresses qui rythment nos quotidiens. Mais aussi ces moments où le réel se fait tragédie et où la mort colore notre quotidien ou fissure nos vies dans l’horreur. Naitre au rien dit la joie quotidienne larvée de morts fantômes. Izieu tente de saisir le tragique de l'histoire des enfants de la maison d'Izieu, où quarante-quatre enfants furent déportés sur les ordres de Klaus Barbie et moururent en camp de concentration ou fusillés. J'ai souhaité évoquer le quotidien de ces enfants dans cette maison, un quotidien envers et contre tout, porteur lui aussi, je le pense, d'une certaine allégresse.
La danse comme joie pure
J'accompagne Naitre au rien et Izieu de trois courtes chorégraphies d'Isadora Duncan. Il y a dans les danses de Duncan, elle-même marquée dans sa vie par de lourdes tragédies, à commencer par la mort de deux de ses enfants, une joie qui subsiste. La recherche de la hauteur, le plexus tourné vers le ciel, le mouvement perpétuel, le corps toujours en mouvement, l'allant des anacrouses et des déséquilibres, la recherche d'une nature généreuse et d'une beauté antique, tout dans la danse de Duncan transpire la joie. Il n'y a pas nécessairement à jouer les chorégraphies : respecter les pas duncaniens suffit à dire la beauté. Sans être danseur, j'ai fait le pari de mon investissement sincère dans ces mouvements pour leur donner la crédibilité d'une existence scénique. Je ne cherche pas la performance mais j'espère suggérer par mon envie furieuse le besoin de vie que Duncan transmet.
Un livre tourné vers la vie
Ils sont nombreux les philosophes vitalistes qui firent l'ode de l'amour, du réel et de l'allégresse. Je tente avec mes poèmes et ce spectacle d'apporter une maigre pierre vivante à cette recherche d'une force de vie capable de se dire, malgré tout. Je suis infiniment heureux de la publication de Naitre au rien et Izieu aux éditions La rumeur libre. Cela marque une reconnaissance qui m’honore et la possibilité pour mes poèmes de vivre plus largement. Il s’agira d’une modeste participation à l’éclat d’une vie malgré tout.