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Guintche, le KO en majesté de Marlene Monteiro Freitas au Centre Pompidou

  • jochanson
  • 1 oct. 2022
  • 2 min de lecture

Marlene Monteiro Freitas a magistralement inauguré le portrait que lui consacre le Festival d’Automne avec un de ses premiers solos, datant de 2010, le programmatique Guintche, en version live.


Le mur du fond et le plateau sont recouverts de bleu, une fine fumée recouvre le sol avant d’envahir la scène. Au proscenium, Marlene Monteiro Freitas fait les cent pas en tenue flashy de catcheuse, un encensoir à la main, distillant les thématiques du combat et du rituel, comme si allait s’ouvrir une performance mystique. En fond de scène, à jardin, un sac de frappe. Voilà un ring ou une salle de boxe, un endroit où le corps donne et prend des coups. Tout à fait à jardin et à cour, des batteries et leur musicien. On reconnait Henri “Cookie” Lesguillier, performeur dans le tout dernier Mal – Embriaguez Divina. Ce dispositif de musique live accompagne le solo pour la première fois, avec force et fracas.


Une fois au centre du plateau, Marlene Monteiro Freitas entre en transe. Un mouvement énergique du bassin l’accompagne pendant la moitié du spectacle. Elle grimace, se tord, malaxe son visage, joue avec ses éléments de costume, mâche une fausse langue puis, plus tard, ses gants en latex. La chorégraphe nous confiait il y a quelques temps se trouver dans une énergie survoltée au moment de ses créations. Ici, la présence de l'interprète éclate les cadres. L'esthétique est expressionniste et brutale, Marlene évoque la folie et le handicap, maniant avec grâce les fluides corporels, faisant de son corps un totem brut de jouissance et de frayeur sauvage. Le poète doit se faire « l'âme monstrueuse », préconisait Rimbaud : Marlene navigue du « Freak show » à la présence éthérée dans le même geste, la même folie.  Dans une deuxième partie la danseuse retrouve ses premiers amours : la gymnastique, le corps gracieux. Ici la souplesse et la fluidité ne sont qu’esquissées, le retour aux sources est doux et mélancolique.


Marlene pose, avec Guintche, les bases de ce que seront les éléments de son vocabulaire chorégraphique futur. Faut-il voir dans le solo une œuvre annonciatrice des JaguarBacchantes ou Mal – Embriaguez Divina ? Dans Guintche, Marlene joue déjà, de manière frénétique, avec ses mains et son visage, faisant de ses derniers le topos d’un manifeste : user à l’excès un signe de plateau, fût-il organique. Et de fait, les créations à venir ont pour la plupart montré un accessoire manié jusqu’à la saturation : les pupitres de Bacchantes, le papier de Mal – Embriaguez Divina, les serviettes de Jaguar (Canine Jaunâtre 3, avec la Batsheva, échappe certes à la règle).


Guintche est un banquet roboratif d’énergie vitale, une explosion jouissive de gestes emphatiques, de mouvements sans raison, une proposition artistique qui ne répond à rien et existe dans la présence pure et divine de son interprète et de ses deux formidables musiciens. Si « rien ne nait de rien » comme le dit Lucrèce, alors Guintche est bien la manifestation des formes actualisées que seront les spectacles des années suivantes. Et si, avec Bergson, nous refusons cette terminologie, préférant voir dans un évènement la durée sensible d’un présent qui ne programme aucun futur, Guintche est comme la manifestation géniale de la possibilité d’un réel animal, qui guide nos folies dans un temps vivant et envoûtant.


Jonathan Chanson 29/09/2022


Crédit photographique : © Bob Lima


Guintche (live version). Centre Pompidou. Festival d'Automne. Paris. Du 29 septembre au 1er octobre 2022.

 
 
 

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