Holding Present, la pure poésie d’Ula Sickle et de l’ensemble Ictus
- jochanson
- 23 juin 2023
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Holding Present, conçu par l’ensemble Ictus et Ula Sickle, et joué mi-juin au Centre Pompidou dans le cadre du festival Manifeste de l'Ircam, est un pur joyau de poésie, de délicatesse et d'expérimentation intelligente et juste.
Assis sur les praticables disposés en cercle dans la galerie 3 du Centre Pompidou, nous attendons que commence ce qui va s'apparenter à un rite servi de
sonorités jusqu'alors inouïes. Les sons cristallins sortis de barres de fer succèdent au tintement obsessionnel d'un triangle évoquant par ailleurs le Different Train de Steve Reich. Danseurs et musiciens se partagent les chorégraphies et les instruments. Les mouvements des interprètes font penser au vocabulaire d'Anne Teresa de Keersmaeker, plein d'allant et de dessins géométriques et évoquent également une langue des signes ample et délicate.
Les instruments sont placés sur les praticables. Ils surgissent sur la scène avec une fluidité remarquable, et les performeurs enchainent les morceaux entêtants, choisis par Tom Pawel, et les gestes rituels d'Ula Sickle. Les costumes conçus par les étonnants Wang Consulting, associés aux lumières désenchantées d'Ofer Smilansky, donnent à ce Holding Present des airs de show à la Horde, la poésie et la pensée éthérée en plus. Car l'essentiel est bien là, les nappes sonores et gestuelles, les sonorités minimalistes ou les rythmes technos, les trouvailles chorégraphiques, mêlant explorations singulières et chœurs guerriers, inscrivent ce poème empli de finesse et de force maitrisée dans le livre de nos mémoires.
Holding Present se clôt par une figure de groupe, comme si les chemins singuliers se retrouvaient enfin dans l'image du collectif. Mais ce dernier est secoué par des résistances, des individus qui essaient tout autant de s'y attacher que de le fuir. La perspective d'un ensemble commun effraie et stimule. Les interprètent semblent s'être battus pendant une heure trente contre un vent aux multiples formes, empruntant aux personnages de La Horde du Contrevent d’Alain Damasio leur besoin de dépassement et leur foi en un espoir céleste. Tous sont remarquables, échangeant tour à tour les compétences et les rôles, excellant à jouer des instruments et des corps, ils dessinent un espace sensible de vers mallarméen dansés et interprétés avec une justesse jusqu'ici inégalée.
Jonathan Chanson - 23/06/2023
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