Les Paravents par Arthur Nauzyciel soufflent un vent de poésie incarnée à l'Odéon
- jochanson
- 4 juin 2024
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 juin 2024
Arthur Nauzyciel présente à l’Odéon Les Paravents, la pièce fleuve de Jean Genet, dont il garde la substantifique moelle pour une déambulation scénique autant poétique que politique et métaphysique.

Durant quatre heures, plusieurs dizaines de personnages sont incarnés par les seize comédiens et comédiennes qui forment la troupe du metteur en scène invité par Stéphane Braunschweig, actuel directeur de l’Odéon. La pièce de Jean Genet fut créée en 1966 à l’Odéon et fit scandale en opposant partisans et opposants de l’Algérie française. Pour sa création, Arthur Nauzyciel joue avec une distribution plurielle et propose un moment de lecture de lettres d’un médecin français enrôlé dans la guerre d’Algérie. Ce moment bienvenu ancre plus fort le propos tout en laissant une place immense à le poésie et la philosophie.
Car ce qui frappe en premier lieu, c’est la langue de Jean Genet. Il y a du Kateb Yacine dans les mots brûlants du dramaturge, il y a du Claudel dans ce qui est une véritable poésie dramatique. Olivier Py s’en souviendra dans son œuvre théâtrale. Les images se cognent, les mots s’entrechoquent, passant d’un lyrisme assumé au vocabulaire le plus cru. Et voir aujourd’hui des comédiens et des comédiennes porter de la poésie sur scène, la rendant vibrante et vivante, relève à lui seul d’un miracle salvateur. Mais ce n’est pas tout, Genet avoisine avec la mort et propose toute une téléologie et une philosophie du verbe incarné - poétique, politique, philosophique et mystique - ayant comme fin un abîme sans concession.
Le tout, c’est de résister vivants et poètes à la lente déliquescence de la chair, aux corps qui meurent. Résister sans omettre le trivial mais en n’oubliant jamais de porter sur scène l’incarnation sublime. Les coulisses sont à vue et quand les interprètes sortent de scène, leurs corps avancent au ralenti. La scène, un immense escalier blanc, est un catalyseur de vie qui porte le verbe incandescent au sein de corps fluides, chorégraphiés par Damien Jalet. La théorie des personnages est insaisissable, leur ballet lent est vivifiant. Cette mise en scène d’Arthur Nauzyciel met à l’honneur une poésie pleine de vie et marque par cette prouesse un acte de révolte esthétique brûlant et ressourçant.
Jonathan Chanson - juin 2024
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